L'Antihéros
Comment évoluent le rôle et la perception de l’antihéros au fil des siècles ?
Voyage au bout de la nuit, Céline
Résumé
Ferdinand est un jeune homme, intelligent, un peu rebelle et naïf, qui, en apercevant une parade militaire, place Clichy, décide de se porter volontaire et s'enrôle dans la Première Guerre mondiale. Emprunt d'illusions, il s'imagine déjà rentrer en héros couvert de gloire. Une fois sur le champ de bataille, c'est le désenchantement: il ne cesse de se faire hurler dessus par ses supérieurs, ne comprend pas pourquoi il devrait tuer des allemands, perd de vue le but de cette Guerre qu'il juge comme étant absurde. Devant ces atrocités, Bardamu comprend que la seule façon de sortir de cette Enfer est de survivre, de ne pas être un héros. Il fait preuve d'une grande lâcheté et tente même de s'enfuir avec Robinson, un réserviste.
Blessé, Bardamu est rapatrié à Paris pour être soigné et y vit quelques avatnures éphémères d'abord avec Lola, une infirmière américaine puis avec Musyne, une violoniste qui le quitte rapidement.
Gravement taumatisé par la Guerre, il décide de partir en Afrique et se retrouve gérant d'un comptoir commercial après avoir retrouvé son ami Robinson. C'est de nouveau la désillusion: il y découvre l'exploitation coloniale, est pris de crises de délires et se retrouve à moitié mort, dans un bateau en direction de New York. Bardamu est très excité à l'idée de découvrir New-York, mais là, encore, c'est le désenchantement: il découvre une ville où règne misère et pauvreté et décide de partir pour Detroit. Là-bas, il fait la connaissance de Molly, une prostituée qui l'aime, s'occupe de lui et lui propose de vivre une vie à deux. Au final, Bardamu déclne cette proposition et retourne à Paris pour y devenir médecin. Médecin mais menant une vie toujours aussi miséreuse, Bardamu s'évertue à sauver des personnes qui pourtant meurent sans que Bardamu ait pu les sauver. Il est ensuite mêlé à un complot: une famille fait appel à son ami Robinson pour que ce dernier assassine la mère déjà âgée, cependant Robinson échoue, se blesse et décide de partir à Toulouse avec la mère Henrouille qu'il n'a pas réussi à tuer.
Bardamu abandonne la médecine pour se lancer dans un spectacle de danse avant de rejoindre Robinson à Toulouse.
Là-bas, il fait la connaissance de Madelon, la fiancée de Robinson avec qui il entretient une liaison. Cependant, au cours de la visite d'un cimetière, Robinson pousse la mère Henrouille dans les escaliers, ce qui entraîne la mort de celle-ci. Bardamu retourne à Paris où il travaille dans un hôpital psychiatrique dont il devient ensuite le directeur. Il retrouve ensuite Robinson qui est ensuite assassiné par Madelon après lui avoir annoncé qu'il ne veut pas de relation avec elle.
Ferdinand Bardamu se retrouve alors seul, au bord d'un canal et se retrouve "emporté" par un remorqueur qui emporte tout sur son passage.

Extrait
- Oh ! Vous êtes donc tout à fait lâche, Ferdinand ! Vous êtes répugnant comme un rat...
- Oui, tout à fait lâche, Lola, je refuse la guerre et tout ce qu'il y a dedans...Je ne la déplore pas moi...Je ne me résigne pas moi...Je ne pleurniche pas dessus moi... Je la refuse tout net, avec tous les hommes qu'elle contient, je ne veux rien avoir à faire avec eux, avec elle.
Seraient-ils neuf cent quatre-vingt-quinze millions et moi tout seul, c'est eux qui ont tort, Lola, et c'est moi qui ai raison, parce que je suis le seul à savoir ce que je veux : je ne veux plus mourir.
[...]
Donc pas d'erreur ? Ce qu'on faisait à se tirer dessus, comme ça, sans même se voir, n'était pas défendu ! Cela faisait partie des choses qu'on peut faire sans mériter une bonne engueulade. C'était même reconnu, encouragé sans doute par les gens sérieux, comme le tirage au sort, les fiançailles, la chasse à la courre !... Rien à dire. Je venais de découvrir d'un coup la guerre toute entière.
[...]
C'est l'âge aussi qui vient peut-être, le traitre, et nous menace du pire. On n'a plus beaucoup de musique en soi pour faire danser la vie, voilà. Toute la jeunesse est allée mourir déjà au bout du monde dans le silence de vérité. Et où aller dehors, je vous le demande, dès qu'on n'a plus en soi la somme suffisante de délire ? La vérité c'est une agonie qui n'en finit pas. La vérité de ce monde c'est la mort.
Il faut choisir, mourir ou mentir. Je n'ai jamais pu me tuer moi.
[...]
Serais-je donc le seul lâche sur la terre ? pensais-je. Et avec quel effroi !... Perdu parmi deux millions de fous héroïques et déchaînés et armés jusqu'aux cheveux ? Avec casques, sans casques, sans chevaux, sur motos, hurlant, en autos, sifflant, tirailleurs, comploteurs, volants, à genoux, creusant, se défilant, caracolant dans les sentiers, pétaradant, enfermés sur la terre, comme dans un cabanon, pour tout y détruire, Allemagne, France et Continents, tout ce qui respire, détruire, plus enragés que les chiens, adorant leur rage (ce que les chiens ne font pas), cent, mille fois plus enragés que mille chiens et tellement plus vicieux ! Nous étions jolis ! Décidément, je le concevais, je m'étais embarqué dans une croisade apocalyptique.
Rapide Analyse
Ainsi, en nous décrivant le quotidien d'un personnage quelconque, noyé dans le tumulte des évênements du XXème siècle, Céline cherche à dénoncer la Première Guerre mondiale qui est le point de départ du roman. Le protagoniste participe à la Guerre et en ressort profondément meurtri et traumatisé. Ce que Bardamu vit a une incidence sur tout le reste de sa vie.
Ferdinand Bardamu est le représentant de l'antihéros. Il est l'incarnation du vice, de la lâcheté, de la faiblesse mais reste le digne représentant de l'espèce humaine car il affronte la Guerre comme n'importe qui le ferait. Après la Guerre, il n'arrive pas à se stabiliser, ni à vivre en paix avec lui-même, ni à entretenir une relation avec une femme. Céline cherche à mettre au grand jour la noirceur, l'égoïsme et la lâcheté du genre humain au travers de son parfait représentant, Ferdinand Bardamu.
De plus, l'auteur puise réellement son inspiration du réel puisqu'il relate d'un évênement historique ayant vraiment eu lieu et auquel l'auteur lui-même a participé. Il cherche à dépeindre avec le plus de force et de réalité cette période.
En somme, dans son livre, Céline cherche à dénoncer la Première Guerre mondiale, expérience traumatisante qui tue des innocents et engloutit les survivants restés marqués à vie, d'où le fait de ne pas se limiter aux quatre années sur lequelles s'est étalée la Guerre mais sur toute la vie de Bardamu, afin de présenter la Guerre comme un virus, qui poursuit chaque personne ayant eu le malheur d'y participer jusqu'à la fin de sa vie.